[15-10-11 - Floride - Miami Beach] Scoop ou Hoax ?

Sortant du bus l'air décidé, Sean leva les yeux vers les imposants bâtiments qui lui faisaient face.
Hésitant un moment, l'adolescent prit quelques secondes pour observer la façade du musée, comme s'il voulait retarder l'instant où il se remettrait en route pour vérifier son information.

En effet, ce n'était pas par hasard si le garçon se trouvait là aujourd'hui. Non, il avait fait le déplacement jusqu'au Musée Juif de Miami intrigué par une simple ligne, détectée au milieu de ce qui semblait être l'inventaire d'un entrepôt. Un entrepôt certes, mais apparemment pas n'importe quel entrepôt en raison des multiples protections que Sean avait dû traverser pour accéder à ce listing, le nombre impressionnant de pare-feux et autres systèmes de sécurité qu'il avait fallu déjouer un à un pour enfin tomber sur ce qui semblait n'être qu'une banale liste d'objets, répertoriés un à un.

Il y avait peu d'informations en fait sur ces mystérieux objets, juste leur nom, parfois aussi exotiques que "Ailes de Dédale" ou "Lanterne de Jack l'éventreur" ou encore "Blaireau de George Washington", et un nom de lieu. "Entrepôt 13" était celui qui revenait le plus souvent, mais d'autres entrepôts étaient également cités et il y avait parfois des mentions "Inconnu" ou alors une simple adresse. C'était une de ces dernières informations qui avait décidé Sean à se mettre en route. La localisation était proche de chez lui, le Jewish Museum of Florida, et, au pire, ça lui ferait faire une petite sortie.

Pourquoi un tel intérêt pour une liste aussi abstraite ? L'adolescent aurait été bien incapable de fournir une raison rationnelle. Peut-être le gout prononcé de beaucoup de jeunes Américains, en particulier ceux qui écumaient les milieux "hackers" et autres informaticiens de génie, pour la théorie du complot, cette thèse comme quoi le Gouvernement cachait des événements majeurs au commun des mortels. Par exemple, les accords secrets entre la Maison Blanche et une puissance extra-terrestre étaient soigneusement tenus à l'écart du grand public.

Toujours est-il que, à partir d'une simple connexion au site du FBI, Sean avait remonté différents liens, s'attachant à forcer les verrous les mieux fermés et dédaignant les accès trop faciles, pour au final, tomber sur un serveur dont le contenu l'avait alléché. Pour le moment, il n'avait pas encore pu aller plus avant dans ces recherches, se limitant à ces fameux listings. Il n'était pas encore parvenu à découvrir la nature de ces objets mais cela ne saurait tarder.

Mais avant d'aller plus loin, il avait quand même voulu s'assurer qu'il y avait un fond de vérité et d'authenticité derrière tout ça. Il n'allait quand même pas se faire avoir par un hoax, monté par un rival. Ce ferait quand même tâche dans la réputation de "Burny" s'il venait à se savoir qu'il avait été victime d'un canular.

C'est pourquoi, profitant de la grande liberté que lui laissaient ses parents, il s'était mis en route. Habillé d'un simple bernuda sous lequel il avait mis son short de bain – le musée se trouvant, de plus, situé à Miami Beach, il pourrait toujours en profiter pour aller faire un tour sur la plage après sa virée – et d'un polo blanc, un sac contenant quelques affaires – son ipad bien sûr, toujours plus facile à transporter que l'odinateur portable, et une serviette de plage – sur le dos, Sean avait pris le bus et débarquait maintenant devant le musée.

Respirant un grand coup pour se donner un peu de courage, il regarda encore une dernière fois la façade avant de se décider.

*Heureusement que l'objet n'était pas indiqué comme se trouvant au musée érotique, je n'aurais pas su comment aller le voir.*

Sur cette pensée ironique, Sean eut un petit sourire amusé et se dirigea d'un pas, qu'il voulait assuré, vers l'entrée du musée.

Bon, il n'y avait qu'une seule personne devant lui au guichet, l'attente ne serait donc pas trop longue avant de prendre son ticket d'accès. Ensuite, quelques minutes devraient lui suffire pour localiser l'emplacement où se situait l'objet mentionné sur le listing, en espérant que celui-ci serait dans un endroit accessible au public…

Tout en attendant son tour, Sean avait pris un prospectus des différentes galeries du musée, le feuilletant machinalement. Ca serait vraiment un coup de bol énorme si son objectif était déjà là, clairement catalogué et identifié. Sinon, il lui resterait la possibilité d'utiliser son ipad pour se connecter sur le site du musée, passant par ce moyen pour glisser vers le serveur dédié et, de là, consulter en toute tranquillité le détail des collections. Certes, ce serait moins facile et rapide qu'avec l'ordinateur portable dont il se servait habituellement et qui abritait les programmes de cracks que le garçon avait développé, mais ça ferait bien l'affaire, surtout pour hacker un site, à priori, peu sécurisé – il n'y avait d'ailleurs aucune raison objective pour que le serveur d'un musée ait des protections particulière, ou alors c'était vraiment louche.

La femme devant Sean parla brièvement à l'employé qui se tenait derrière son guichet. Bien qu'il ne tentât pas vraiment d'écouter la conversation, l'adolescent surprit quelques mots qui le firent tiquer et attirèrent son attention.

Secret Service. Aussitôt, l'imagination débridée du garçon partit à cent à l'heure, échafaudant des hypothèses toutes plus folles les unes que les autres.

Que Diable venaient faire les services secrets dans un musée ? Le Président allait peut-être arriver incognito pour une visite surprise. Ou alors, le musée n'était qu'une couverture et le conservateur étaient à la tête d'espions qui s'y dissimulaient pour comploter contre la sûreté nationale. Ou encore, mais ça serait vraiment une coïncidence bien improbable, l'objectif de la femme était cet objet même dont Burny était venu s'assurer la réalité.

En tout cas, fortement intrigué, Sean retint sa respiration, ouvrant grand ses oreilles, à l'affut du moindre indice. Observant avec attention, il avança machinalement de quelques centimètres, s'apprêtant à emboiter le pas à "l'espionne". Enfin sans rester trop près quand même, il ne s'agissait pas de se faire repérer trop tôt avant d'en avoir appris un peu plus.

*J't'en foutrais moi, du bonhomme…*


Tout en maugréant intérieurement, irrité par le ton condescendant de l'homme, Sean fouilla dans sa poche pour en sortir un billet vert de cinq dollars qu'il tendit à l'employé tout en lui décochant un grand sourire, partiellement démenti quand même par un regard assassin.

C'était vrai, au fond, le tarif enfant n'était habituellement applicable que jusqu'à douze ans et l'adolescent avait fêté, il y a peu, son treizième anniversaire. Mais après tout, si ce type était assez bête pour ne pas vérifier son âge et ne lui faire payer qu'une entrée réduite, Sean n'allait pas se plaindre, ce serait toujours ça d'économisé…

Piaffant d'impatience en attendant d'empocher le sésame pour accéder au musée, le jeune garçon observait du coin de l'œil le duo qui s'éloignait rapidement en échangeant des propos mystérieux. Il se passait donc des choses bizarres dans cet établissement, auxquelles un dénommé Alec était mêlées. Voilà qui était bien de nature à relancer la curiosité naturelle de Sean. Ces dernières minutes semblaient confirmer qu'il y avait anguille sous roche et que le listing trouvé renfermait peut-être un fond de vérité. En tout cas, les événements étaient jugés assez sérieux pour nécessiter la présence des Services Secrets.

Et ce crétin qui prenait son temps pour délivrer le billet d'entrée. Comme si Sean avait toute la journée devant lui…

*Allez, mon gars, on se magne ! Le temps presse…*

Et, pendant ce temps, le duo qui s'éloignait, prenant un couloir sur la droite et sortant du champ de vision de l'adolescent…

Le ticket enfin délivré, Burny s'empressa de quitter le hall pour emboiter le pas à "l'espionne", espérant rapidement l'avoir de nouveau en visuel. Soulagé de ne pas être victime d'un canular monté par un rival jaloux, il était vraiment curieux de savoir de quoi il en retournait réellement.

Pressant le pas, Sean sortit son ipad et chercha à détecter le réseau sans fil qui desservait le musée avant de s'introduire dessus. Maintenant, il se trouvait avec deux objectifs en tête : savoir à quel endroit était placé l'objet qui avait motivé sa venue en ces lieux et vérifier si dans la liste des employés du musée figurait un certain Alec afin de consulter discrètement son dossier, en particulier s'il y avait des informations récentes concernant des incidents qui seraient survenus.

C'était malin ! L'autre crétin avait réussi à lui faire perdre de vue les personnes qu'il désirait suivre. On n'a pas idée d'être aussi lent et empoté. C'était vraiment le genre de type à ne pas avoir inventé l'eau tiède… Enfin, bref, ça avait pris au moins trois fois le temps normal mais c'était fait. Sean avait enfin le billet d'entrée…

Rapidement, l'adolescent arriva dans la salle sur laquelle donnait le couloir d'entrée. Et bien sûr, plus aucune trace de ceux qu'il filait. On peut dire que l'incapable de l'accueil avait réussi son coup… Enfin, il ne fallait quand même pas être voyant extra-lucide pour deviner où étaient passés l'espionne et son guide. Comme Sean ne les voyait pas dans une des salles du musée, il fallait donc en déduire qu'ils avaient franchi la corde indiquant juste l'endroit où ne pas aller, l'endroit où avaient lieu des travaux.

Avant de se lancer billes en tête dans sa poursuite, le garçon avait activé son ipad et s'était connecté avec une aisance déconcertante dans le réseau, désactivant, les unes après les autres, les faibles barrières de sécurité du programme.

Les infos obtenues sur le fameux Alec étaient vraiment fragmentaires et bien insuffisantes aussi Sean ne perdit pas plus de temps avec ça. Pianotant fébrilement sur son clavier tactile, il se hâta de revenir sur le fichier contenant le listing des collections. Il ne fallait pas oublier que son objectif premier était de vérifier l'existence de l'objet mentionné dans le serveur mystérieux qu'il avait hacké. Et pour vérifier cette existence, il fallait d'abord localiser son emplacement. Le pirate en herbe rechercha l'objet dans le listing et croisa les doigts, espérant qu'il ne soit pas confiné au fin fond d'une réserve.

Mais il s'agissait aussi de ne pas perdre la trace de l'espionne et la laisser s'envoler. Par prudence, l'adolescent s'approcha de la corde marquant la zone interdite et, regardant autour de lui pour voir si quelqu'un faisait attention à son manège, se glissa dans la zone des travaux.

Affichant un sourire satisfait, Sean mit son ipad sur "veille" et le rangea dans son sac, prêt à le ressortir rapidement en cas de besoin. Il venait d'obtenir l'information qu'il recherchait. Il lui resterait juste à aller la vérifier. Enfin, vérifier quoi au juste ? Que le ménorah se trouvait bien dans le secteur C, comme il était indiqué ? Basique comme vérification en fait, et complètement inutile. Comment pouvait-il en être autrement ? Ce chandelier ne pouvait pas se trouver à un autre endroit que celui qui était mentionné. Ou alors l'inventaire de ce musée était bien mal tenu… Aller le constater de visu n'apporterait rien de plus et surtout ne dirait pas pourquoi l'objet était référencé dans une base de données hautement sécurisée.

Non, pour le moment, l'intérêt immédiat était tout autre. Les paroles d'Adalgisa Mancini, alias l'espionne, étaient suffisamment mystérieuses pour attirer la curiosité de n'importe quel adolescent normalement constitué. Et justement, de ce côté-là, Sean était on ne peut plus normal. On a beau être un super génie dans énormément de domaines, il était difficile de résister à l'appel de l'inconnu. Et les mots de "reliques dangereuse", associés à "Services Secrets" étaient bien bordés d'une aura de mystère et d'aventure. Quels pouvaient donc être ces incidents qui avaient nécessité le déplacement d'un agent gouvernemental ?

Passé derrière la corde, Sean lança un dernier regard circulaire dans la salle du musée pour vérifier que personne n'avait remarqué son manège puis s'engagea dans le couloir à pas de loups, guidé par les voix du Directeur et de l'espionne. Prudemment, il restait dans les zones d'ombres, veillant à maintenir, entre lui et les deux adultes, des obstacles derrière lesquels il pourrait se dissimuler. La conversation avait l'air suffisamment intéressante pour que l'adolescent tende l'oreille et n'en perde pas une miette.

Partiellement caché derrière une vitrine laissée là temporairement pendant les travaux, Sean ne perdait pas une miette de l'étrange spectacle. Les yeux du jeune garçon étaient écarquillés de stupéfaction devant le manège de l'espionne. Que pouvait-elle donc bien faire ? Et pourquoi ces gants violets ? Quelles étaient leurs propriétés ? De même, à quoi pouvait donc servir cette espèce de sac argenté ?

Ne désespérant pas obtenir une réponse à ces questions multiples, l'adolescent retenait sa respiration, piaffant d'excitation et brûlant du désir d'en apprendre davantage.

A première vue, la jeune femme cherchait, au milieu des nombreux objets entreposés à cet endroit, quelque chose de spécial, peut-être quelque chose ayant provoqué les mystérieux événements auxquels était mêlé le fameux Alec.

Mais alors, quel était le rapport avec le chandelier exposé en section C ? Peut-être tout simplement une erreur d'identification des services inconnus qui avaient effectué le recensement et inscrit ce ménorah dans leur listing ultra-sécurisé.

Pendant que Sean restait perplexe à observer la scène, il assista à un incident bizarre. Quelle mouche venait donc de piquer cet ouvrier ? Ne venait-il pas, sans raison apparente, de saisir l'espionne et de l'entrainer dans une danse effrénée ? Et, à voir la tête que le type tirait, il avait l'air aussi surpris que sa cavalière…

Malgré son désir de rester caché, Sean ne put s'empêcher de pousser un cri de surprise. Mettant la main devant sa bouche, il réalisa, un peu tard, qu'il venait de trahir sa position. Bon, repéré pour repéré, avant d'avoir à fournir des justifications embrouillées sur sa présence en ces lieux, autant essayer de se rendre utile.

Sortant de sa cachette, il s'élança vers ce surprenant couple de danseurs et empoigna l'homme par le bras, tendant de le tirer en arrière.

"M'sieur, vous faites quoi ? Mais lâchez-la ! Vous n'êtes pas dans votre état normal…"

"Wow ! Vous faites ça comment ?"

Les yeux écarquillés de stupéfaction, Sean venait de voir les deux hommes disparaître pour se transformer en image en deux dimensions. Enthousiaste, il eut un grand sourire, réalisant qu'il n'avait pas perdu sa journée en cédant à cette impulsion le poussant vers le Musée Juif de Floride.

Lui qui voulait de l'inattendu et de l'insolite, il était bien servi. Il était matériellement impossible d'obtenir un tel effet avec un appareil photo ordinaire. A moins qu'il ne s'agisse de quelque chose dans la lignée de ce pour quoi il était venu ici. Fouillant dans sa mémoire, le garçon repassa, à mi-voix, les noms étranges d'appareils photos de la fameuse liste : "Appareil photo, appareil photo de Man Ray, appareil photo de photomaton…", regrettant que l'inventaire découvert ne se soit pas accompagné d'une description des objets.

Houspillé par la voix pressante de l'espionne, il se hâta d'ouvrir les différentes vitrines, ne comprenant pas trop ce qu'il fallait chercher. Le manège de la jeune femme avec son sac argenté intriguait Sean au plus haut point mais, pour le moment, j'adolescent jugeait préférable de ne pas poser de questions.

Mais voila que c'était le monde à l'envers. Maintenant c'était lui qui se faisait questionner. Machinalement, le garçon secoua la tête de gauche à droite avec une moue perplexe pour montrer son ignorance. Lorsqu'il rencontrait ses camarades juifs, ils avaient bien mieux à faire que de parler de folklore et de reliques. Et s'il n'y avait pas eu cette curiosité maladive de vouloir vérifier une information, il est fort probable que Sean n'aurait jamais mis les pieds de sa vie dans ce Musée.

Mais si lui n'y connaissait rien, il avait un moyen tout simple d'obtenir les informations souhaitées. Sortant son ipad, il pianota rapidement dessus tout en parlant tout seul. Bon, d'accord, il n'arrivait pas à se connecter sur Internet depuis l'intérieur du bâtiment mais, qu'à cela ne tienne, il alla fouiller les inventaires des collections du musée, cherchant tous les objets en rapport avec la danse.

"Bougez pas, j'vais vous trouver ça… Il est rangé où ce foutu inventaire du musée ? Ah, c'est bon, je l'ai… Bon, y'a quoi qui parle de danse, là-dedans ?"

Aie, Sean entra instinctivement la tête dans les épaules lorsque Adalgisa remarqua qu'il avait réussi à pénétrer leur réseau informatique, reconnaissant implicitement qu'elle connaissait l'inventaire récité par le garçon. Fort heureusement, la jeune femme ne s'attarda pas sur ce sujet, paraissant même n'accorder aucune importance à la réponse qu'aurait pu fournir Burny – ce qui faisait bien ses affaires d'ailleurs.

Guidé par des indications un peu plus précises, ce dernier arriva assez rapidement à isoler un certains n'ombre d'objet ayant un rapport, plus ou moins direct, avec la danse. Instruments de musique, vêtements traditionnels de mariages ou de bar-mitzves, tableaux ou assiettes décorées représentant des scènes de danses au cours de "simkhes" (fêtes), tout cela fut très vite répertoriés.

Certains de ces objets se trouvaient d'ailleurs dans les vitrines autour d'eux, les autres se trouvaient disséminés dans les différentes salles du musée, encore visibles du public. Serviable, même s'il ne comprenait pas trop le pourquoi du comment, Sean indiquait les différents objets à proximité, regardant l'espionne faire son curieux manège sur les objets de petite taille.

Réalisant qu'elle n'y parviendrait pas de cette façon, elle demanda à l'adolescent de l'aider tout en lui donnant une autre paire de gants violets. Machinalement, Sean posa son ipad pour enfiler les gants – drôle de mode à lancer, en fait – et prit le sac argenté.

Travaillant à l'imitation de ce qu'il avait déjà vu faire, le garçon prenait, un à un les objets recensés dans sa liste et essayait de les glisser dans le sac, ou du moins de passer le sac à proximité immédiate de l'objet.

"Mais, ça doit réagir de quelle façon ? On cherche quoi au juste ?", demanda-t-il, un peu perdu, tout en passant le sac au dessus d'un croquis représentant un couple en train de danser un freylekh endiablé.

Bon, rien, toujours rien. Alors qu'il allait annoncer qu'il n'y avait rien de particulier dans ce secteur, Sean élargit un peu son champ de recherche, intégrant des objets pouvant avoir été porté pendant des danses. Une sorte de toque en fourrure, baptisé Spodik, était mentionnée comme ayant été utilisé dans une scène de danse lors du tournage d'un film.

Après tout, pourquoi pas ? En tout cas, il ne coûtait rien d'essayer avec ce chapeau. Alors qu'il le saisit avec ses gants violets pour l'approcher du sac, Sean poussa un cri de surprise et fit un bond en arrière en lâchant brusquement ce qu'il tenait en main. Sous le regard surpris de l'adolescent, une espèce d'arc électrique s'était formé et crépitait, brisant le silence.

"Mince, c'est quoi ces éclairs ? M'dame, c'est pas ça que vous cherchez ?"

Devant la manifestation de la présence d'un artéfact, Sean resta un moment sans voix, inquiet par les éclairs qui émanaient du Spodik. Il n'avait pas besoin des conseils de "l'espionne" pour mettre une certaine distance de sécurité en lui et cet objet aux propriétés bizarres.

Ravalant sa salive, il observait Ada répandre le produit, accentuant les manifestations paranormales.

"Un artefact ?", releva-t-il avec surprise. "Vous voulez dire comme les objets magiques dans les jeux vidéos ? Ca existe vraiment en vrai alors ? C'est ça qu'il y avait sur la liste ?"

Devant ces informations, la curiosité du gamin se voyait aiguillonnée. Et les signes visibles dont il venait d'être témoin le confortaient dans sa certitude qu'il y avait bien une énigme à résoudre. La "théorie du complot" semblait vraiment s'appuyer sur des bases concrètes.

"Mais, ça sert à quoi ce genre d'objet ? Cétait quoi ces éclairs bizarres ? Ca fait mal ?"

Dix, vingt, cent questions se bousculaient sur les lèvres de l'adolescent, sentant qu'il avait soulevé le coin du voile d'un mystère bien plus important. Maintenant qu'il en savait un peu, il comptait bien ne pas se voir évincé et en apprendre un peu plus.

Avec une petite appréhension, il hocha la tête à l'injonction de "l'espionne". Un peu qu'il allait la suivre ! Oubliant toute prudence (après tous il ne savait rien de la femme), il lui emboita le pas, sans même regarder le directeur du musée, encore décontenancé par les derniers événements. Puis brusquement, il grimaça en marqua un temps d'arrêt.

"Euh, oui, je… J'ai rien fait de mal…", se défendit-il malgré tout, ayant quand même conscience d'avoir fouillé dans un endroit défendu.

Son ego flatté par l'appréciation élogieuse d'Adalgisa sur ses compétences supposées en informatique, Sean arborait un demi-sourire satisfait, tout en écoutant attentivement les explications. Il se voyait plongé dans un monde insoupçonné, fait d'étrange et de merveilleux, un monde réel néanmoins, un monde dans lequel se livrait une lutte inconnue du grand public.

Levant la tête, l'adolescent adressait un regard inquiet à l'espionne, conscient que sa présence en ces lieux posait un problème à cette dernière. Il savait des choses qu'il n'aurait jamais dû connaître. Il avait eu accès à des informations qui devaient à tout prix rester secrètes.

D'où la pertinence de la question relative à l'avenir du jeune garçon. Il ne pouvait clairement pas être de nouveau lâché dans la nature après une vague promesse de discrétion. Les adolescents sont bavards, cela est connu, et Burny allait sûrement être amené à parler, volontairement ou non, de l'exploit qu'il avait accompli en piratant les serveurs ultra-sécurisés de l'entrepôt.

Croyant déceler une sourde menace dans la question d'Adalgisa, Sean fit instinctivement un pas en arrière. Fort heureusement, le sourire de la jeune femme, accompagné des propos suivants, fit refluer toute crainte et piqua la curiosité et l'intérêt du garçon.

"Une branche secrète du gouvernement ? Moi ?" , s'exclama-t-il avec envie. "Wow, ça serait trop top, ce truc…"

L'imagination débordante de Sean le voyait déjà jouer le rôle d'un super espion-enquêteur secret, auprès de qui James Bond ferait pâle figure. L'adolescent s'imaginait remonter les pistes multiples grâce à son ordinateur, puis foncer sur le terrain pour s'emparer des objets convoités.

Mais, il était évident que ses parents ne permettraient jamais ça, ayant, comme tous les parents, tendance à surprotéger leur progéniture en l'empêchant de faire des choses aussi amusantes que de risquer sa vie en courant l'aventure. Une moue de regret naissait sur le visage enfantin alors que les rêves d'actions héroïques s'estompaient.

"Oui, c'est sûr que, présenté comme ça, c'est mort avec les parents. Non pas qu'ils s'occupent beaucoup de moi au quotidien, mais ils ne comprendraient pas…"

Le regard clair se figea un instant puis revint se fixer dans celui d'Adalgisa. Une idée venait de germer dans le cerveau fécond du garçon.

"Y'a pas une université importante près de là où vous travaillez ? Avec un département informatique ? J'pourrais avoir obtenu une bourse pour y entrer, suite à un concours ou j'sais pas quoi… En plus, mes parents savent que j'veux quitter le bahut – de toute façon, j'ai plus rien à y apprendre – pour poursuivre des études dans ce domaine…"

Bon, d'accord, Sean n'avait pas l'âge d'aller à l'université, mais il en possédait largement les capacités intellectuelles. Bien qu'un peu inquiet à se frotter à des camarades bien plus vieux que lui, le jeune garçon brûlait d'envie de tenter sa chance, conscient qu'il aurait quand même des efforts à faire pour s'y faire admettre physiquement sans y être jalousé pour son génie.

Sean ouvrit des yeux ronds lorsqu'il réalisa que l'espionne ne se moquait pas de lui, que sa suggestion précédente n'était pas une cruelle plaisanterie faite à l'encontre d'un gamin trop naïf. Adalgisa envisageait sérieusement s'intégrer le jeune garçon dans son équipe, faisant fi de son âge, en ne prenant en compte que ses seules compétences techniques. C'était trop beau pour être vrai… Burny n'allait pas tarder à se réveiller bientôt, seul dans le grand appartement déserté, comme d'habitude, par ses parents, n'ayant fait que rêver cette merveilleuse aventure.

Mais non, tout semblait tellement réel… Vivant un véritable conte de fée, Sean s'empressa de donner son adresse à l'Italienne, fébrile et piaffant déjà d'impatience à l'idée de recevoir prochainement le courrier promis. Tout à son excitation, il ne remarquait même pas la sourde menace qui transparaissait dans le ton employé et bomba un peu le torse en s'efforçant de prendre un air sérieux pour la photo. Pour lui, il n'y avait aucun doute, cette photo devait servir à lui établir un laissez-passer et une carte d'accréditation pour son futur travail.

La tête pleine de rêve, le garçon rentra rapidement chez lui, trouvant l'appartement désert comme à l'accoutumée. Pianotant à nouveau sur son ordinateur, il rejoignit ses forums favoris, brûlant du désir d'y raconter ses exploits. Mais, un soupçon de sagesse devait encore exister, bien caché, au fond de la cervelle de Burny. Se doutant bien que de telles fanfaronnades ne seraient pas du goût de l'espionne, et que de toute façon, personne ne le croirait sur Internet, il garda pour lui son secret.

Comme cette semaine passa lentement dans l'attente du courrier gouvernemental. Sean avait tâté le terrain auprès de ses parents, remettant sur le tapis sa volonté d'aller étudier à l'université, laissant même entendre qu'il avait participé à des concours en ligne sur Internet pour ça. Vivant trop dans leur monde pour prêter attention aux propos de l'adolescent, M. et Mme O'Burn n'écoutaient pas plus que ça et tombèrent donc des nues à l'arrivée de la lettre officielle.

Il fallut toute la force de persuasion de Sean pour les convaincre que ce n'était pas une plaisanterie et qu'il allait bien partir étudier dans le Maine. Non, il n'était pas trop jeune pour ça ! Oui, il avait largement le niveau pour ces études ! La preuve, non ? Il était sélectionné… Oui, oui, il ferait attention à lui et donnerait souvent de ses nouvelles ! Non, il ne subirait pas de mauvaises influences de ses camarades et ne se mettrait pas à boire, ni à fumer et il n'irait pas draguer les filles (avec moins de certitudes quand même sur ce dernier point…) !

Bref, les oreilles encore pleines des mille et une recommandations de ses parents, une valise à la main et son ordinateur portable en bandoulière, Sean débarqua dans le Maine où sa place avait bien été retenue au sein du département informatique de l'Université d'Orono. Histoire sans doute de rappeler à l'adolescent que, certes il était intégré dans une branche secrète du gouvernement, mais également qu'il était là pour un travail bien précis et que sa formation universitaire faisait partie de ce travail…